Les raisons pour lesquelles les banques interdisent les cryptomonnaies

Le 1er février 2024, la Banque centrale du Nigeria a levé l’interdiction des transactions en cryptomonnaies, imposée trois ans plus tôt pour lutter contre le blanchiment d’argent. En Allemagne, plusieurs banques autorisent les opérations liées aux actifs numériques, mais sous réserve d’une licence délivrée par l’Autorité fédérale de supervision financière. En France, certaines institutions financières bloquent systématiquement les virements vers les plateformes d’échange, invoquant des risques de sécurité et de conformité. Ces mesures contrastées révèlent une fragmentation des politiques bancaires face aux monnaies virtuelles.

Panorama des réglementations sur les cryptomonnaies à travers le monde

La réglementation des cryptomonnaies s’impose comme un puzzle mondial : chaque État ajuste ses pièces à sa manière. Au sein de l’Union européenne, on a opté pour la clarté en introduisant la réglementation MiCA, exigeant des plateformes crypto une conformité renforcée. En France, l’AMF surveille de près les prestataires de services sur actifs numériques et contrôle minutieusement les flux. Pourtant, ni le Bitcoin ni aucune autre crypto-monnaie ne bénéficient du cours légal. Quant aux plus-values, elles relèvent d’un régime fiscal ad hoc, traité comme des gains en capital.

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Pays Statut légal des cryptomonnaies Principaux acteurs
France Non reconnues comme monnaie mais autorisées AMF, Banque de France
Union européenne Encadrement progressif (MiCA) ESMA, EBA
Nigeria Interdiction assouplie début 2024 Banque centrale du Nigeria
Bangladesh Interdiction stricte Banque centrale du Bangladesh
Corée du Sud Régulation forte, plateformes agréées FSC

Rares sont les pays à avoir attribué le cours légal à une crypto-monnaie, le Salvador faisant office d’exception. La Banque centrale européenne, elle, trace une ligne nette entre monnaie numérique de banque centrale et crypto-actifs, qu’elle assimile davantage à des valeurs mobilières ou à des instruments spéculatifs. Aux États-Unis, la surveillance s’organise entre la CFTC et la SEC, sans véritable cadre fédéral commun. Ce flou réglementaire mondial entretient une diversité de positions, chaque législateur balançant entre désir d’innovation et besoin de contrôle. Les frontières évoluent, dessinant une cartographie mouvante des crypto-actifs sur la planète.

Pourquoi certaines banques et gouvernements choisissent-ils d’interdire les cryptomonnaies ?

La décision de certaines banques et autorités de fermer la porte aux crypto-monnaies s’appuie sur une série de motifs bien arrêtés. Du Bangladesh au Nigeria, la justification se construit sur des arguments réglementaires et financiers. Les établissements bancaires, confrontés à la multiplication des transactions anonymes, peinent à retracer l’origine des fonds. Le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme figurent parmi les principales préoccupations : la circulation instantanée et transfrontalière des actifs numériques échappe aux outils classiques de surveillance.

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Des autorités comme la Financial Conduct Authority au Royaume-Uni ou la Banque centrale du Bangladesh mettent en garde : l’opacité des crypto-actifs expose aussi bien les clients que la stabilité du système financier à des usages détournés. Pour les banques, c’est également une question de limiter leur propre vulnérabilité. L’absence de règles harmonisées, la faible protection des clients, la volatilité parfois démesurée des monnaies numériques : tout cela incite à la prudence. Certains préfèrent donc écarter purement et simplement les transactions liées aux crypto-monnaies, afin d’éviter sanctions, pertes ou piratages.

Du point de vue des gouvernements, le débat s’étend à la souveraineté monétaire. L’essor rapide des monnaies virtuelles bouscule le pouvoir des banques centrales, qui perçoivent une remise en cause de leur prérogative sur la stabilité financière. La gestion des informations clients, la traçabilité des flux, l’application efficace des lois contre le blanchiment et le financement illicite restent au cœur des préoccupations. Pour certains décideurs, interdire se révèle alors la voie la plus directe, sinon la plus rassurante.

Mains avec carte bancaire et Bitcoins face à une banque

Entre sécurité, stabilité financière et lutte contre la fraude : les principaux arguments avancés

La sécurité face à l’incertitude des crypto-actifs

Les banques placent la sécurité en tête de liste. Pourquoi ? Parce que garantir la fiabilité des transactions en crypto-monnaies relève encore du défi. Le fonctionnement décentralisé des crypto-actifs complique l’identification des parties et le suivi des flux. Face à cette opacité, les risques de piratage, de vols et de pertes de fonds se multiplient. De nombreux établissements préfèrent garder leurs distances, conscients que l’absence de garde-fous expose à des fraudes à répétition.

Stabilité financière et responsabilité systémique

Le maintien de la stabilité financière revient sans cesse dans le discours des régulateurs et des banques centrales. La forte exposition aux crypto-monnaies, caractérisée par une volatilité extrême et des effets de mode spéculatifs, fait planer la menace d’une contagion vers l’économie classique. Des institutions comme l’AMF ou la Banque centrale insistent sur un point : préserver la solidité du système bancaire signifie aussi limiter le risque d’un effet domino provoqué par une crise de confiance sur les actifs numériques.

Voici les principales raisons avancées pour justifier ces restrictions :

  • Lutte contre la fraude et le blanchiment de capitaux

La faible transparence des transactions crypto alimente la méfiance. Les outils traditionnels de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme peinent à s’appliquer à l’univers des blockchains. Les contraintes imposées par la loi sur les services de paiement se heurtent à la complexité des protocoles décentralisés. Face à ces difficultés, les banques, soumises à des exigences de contrôle strictes, préfèrent parfois couper court plutôt que de risquer un rappel à l’ordre ou une perte de confiance de la part des superviseurs.

Ces arguments, relayés par l’AMF et d’autres autorités internationales, mettent en lumière la ligne de crête sur laquelle évoluent les banques : protéger l’intégrité du système financier tout en accompagnant, tant bien que mal, l’innovation. Le débat est loin d’être tranché. Face à l’essor des crypto-actifs, chaque acteur avance ses pions, oscillant entre prudence et ouverture. Demain, la carte du monde des cryptos pourrait bien changer de couleur, au gré des équilibres entre liberté, sécurité et régulation.